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Forum international de Réalités | La crise de Covid-19 et ses impacts géostratégiques dans l’espace euroméditerranéen : De nouvelles orientations stratégiques 

Comment la crise de Covid-19 a-t-elle impacté les relations de partenariat entre les pays des deux rives de la Méditerranée ? A-t-elle exacerbé le clivage entre protectionnisme et libre-échangisme? Quelles sont les orientations du nouvel agenda de  l’Union européenne pour la Méditerranée, notamment le partenariat avec la Tunisie  ? Autant de questions qui ont été soulevées lors de la 23e édition du Forum international de Réalités qui s’est tenue  les 1er et 2 avril à Hammamet sur le thème “La crise de Covid-19 et ses impacts géostratégiques dans l’espace euroméditerranéen».

La cérémonie d’ouverture s’est déroulée, hier, en présence d’ambassadeurs, anciens ministres et de chercheurs. Dans son allocution d’ouverture, Khalil Tazarki, directeur général pour l’Europe au sein du ministère des Affaires étrangères, a mis l’accent sur les nouvelles orientations stratégiques d’un  partenariat réinventé entre la Tunisie et l’Union européenne qui prend en considération les évolutions engendrées par la crise sanitaire. Se félicitant de la communication de l’Union européenne sur l’avenir du partenariat de voisinage Sud qui a été publiée le 9 février 2021, Tazarki a souligné que la politique européenne  de voisinage a besoin de concevoir de nouveaux instruments qui favorisent le rapprochement humain et la réduction des disparités économiques à travers l’intégration économique de la Tunisie dans le marché européen. 

La programmation 2021-2027

Il a évoqué, dans ce contexte, les principales thématiques autour desquelles la Tunisie est en train d’approfondir  la réflexion  dans le cadre de la programmation du financement  2021-2027 qui va définir les orientations générales du  partenariat avec l’Union européenne pour les sept années à venir. Il s’agit, notamment de promouvoir l’investissement dans les secteurs innovants, principalement la transition numérique, la digitalisation, l’économie verte,  la recherche, la santé et la sécurité alimentaire; adopter le nearshoring qui présente, selon le représentant du ministère des Affaires étrangères,  un cadre de  partenariat gagnant-gagnant; œuvrer pour une meilleure coordination entre les programmes bilatéraux et régionaux pour  créer des synergies de coopération interrégionale et dégager des ressources supplémentaire et, enfin, donner à la dimension humaine une place de choix dans les projets de coopération à travers la pérennisation et l’extension des programmes phares de coopération à l’instar d’Erasmus +, le programme-cadre européen pour la recherche et l’innovation “Horizon Europe” et Europe Créative.  “Faire de la Méditerranée  un espace de stabilité, de prospérité renouvelé, réinventé passe inévitablement par le replacement du multilatéralisme au cœur de notre agenda de coopération.  La crise sanitaire, conjuguée aux récentes évolutions sur la scène internationale, a démontré une fois de plus les limites des démarches unilatérales.  L’appréhension sécuritaire des défis que posent les phénomènes comme la migration irrégulière ou le terrosrime est contre-productif et risque d’aggraver les conséquences néfastes. Ces phénomènes exacerbés par la pandémie impliquent une réponse collective, une approche concertée qui s’intéresse aux causes profondes tout en offrant aux jeunes des alternatives prometteuses et porteuses d’espoir”, a-t-il affirmé.  

Des inquiétudes quant au manque de visibilité 

L’ambassadeur de l’Union européenne, Son Excellence àMarcus Cornaro, a présenté, dans un premier temps, les grandes orientations du nouvel agenda de l’Union européenne pour la Méditerranée. Il a également évoqué les différents cadres de partenariat que la Tunisie et l’Union européenne peuvent  mettre en place. Il a souligné que le nouvel agenda s’intéresse à la région dans son ensemble, mais reconnaît les spécificités de chaque pays, expliquant que cette feuille de route se décline en cinq grands domaines. Le premier concerne le développement humain, la bonne gouvernance et l’État de droit où l’Union Européenne  renouvelle son engagement en faveur de la démocratie dans la région. Le deuxième axe s’articule autour de la résilience, la prospérité et la transition numérique. Dans ce cadre, l’Union européenne s’engage à soutenir des économies résilientes, inclusives, durables et connectées. Le troisième domaine est celui de la  paix et de la sécurité. La migration et la mobilité constituent un autre axe sur lequel l’Europe mise pour  faire face aux défis que sont les déplacements forcés et la migration irrégulière. Enfin, le cinquième domaine concerne la transition écologique et la résilience climatique. “L’Union européenne est déterminée à utiliser la sortie de crise sanitaire pour réorienter significativement sa propre économie vers des solutions durables et innovantes. Nous sommes convaincus que la région méditerranéenne a  le capital humain pour tirer parti de cette double transition”, a-t-il précisé. Et d’ajouter : “La restructuration des chaînes de valeur est susceptible de créer de nouvelles opportunités pour les économies du Sud de la Méditerranée. Nous serons à côté des autorités et des acteurs tunisiens pour créer le climat favorable à un tel redéploiement gagnant-gagnant. Mais cela requiert des réformes difficiles et urgentes”.

Par ailleurs, Son Excellence M. Cornaro a mis en exergue ses inquiétudes par rapport au manque de visibilité ainsi qu’aux difficultés auxquelles font face les investisseurs européens en Tunisie. Il a affirmé, dans ce contexte, que l’Union européenne est prête à réfléchir, de concert avec les autorités tunisiennes, sur les éventuelles pistes pour moderniser le cadre des relations en matière de commerce et d’investissement et donner un nouveau souffle aux investissements, soulignant que les investissements européens (qui représentent  85% des investissements en Tunisie) ne sont pas encadrés  par le corps d’association avec l’Union Européenne. 

Au sujet du libre-échange avec l’Europe, l’ambassadeur de l’Union européenne a affirmé  que les négociations sur l’Aleca peuvent reprendre si la Tunisie le souhaite.  “L’offre est toujours sur la table”, a-t-il indiqué. Il a fait savoir que d’autres options peuvent également être discutées afin de trouver un accord bénéfique pour les deux parties, notamment autour de l’investissement. “Du côté  de l’Union européenne, la main est plus que tendue vers nos partenaires du Sud de la Méditerranée», a-t-il conclu.  

L’Europe va affûter ses instruments politiques 

De son côté, l’ambassadeur d’Espagne en Tunisie et président de l’Institut européen de la Méditerranée (Iemed) a mis l’accent sur les défis communs auxquels font face les pays des deux rives de la Méditerranée, notamment la crise économique engendrée par la propagation du virus et la crise migratoire. Il a ajouté que ces défis, accentués par la crise sanitaire et conjugués à d’autres enjeux, notamment le conflit au Proche-Orient, le déclenchement d’autres conflits en Syrie, la fragmentation de certains pays tels que la Libye, l’apparition de Daech, les fractures économiques et sociales au sein des sociétés méditerranéennes ainsi que les crises successives en Europe obligent les pays de l’espace euroméditerranéen  à engager de nouvelles réflexions stratégiques.

Il a, à cet égard, mis l’accent sur le rôle que peut jouer la société civile dans la conception de nouveaux cadres de partenariat. Et de soutenir : “Je pense que par comparaison avec le passé, il faut compter sur la société civile. Nos sociétés sont en train de subir des transformations profondes. La crise Covid peut jouer un rôle d’accélérateur de ces transformations qui dépassent les limites marquées par les Etats et les gouvernements et qui se développent parfois en marge des politiques publiques”  

Dans son allocution d’ouverture, Taieb Zahar, président du Forum international de Réalités, a dressé une analyse des transformations géopolitiques engendrées par la crise de Covid-19. “ Le risque politique de la Covid a atteint des niveaux sans précédent en 2020 et il faut s’attendre à ce que ce risque politique hors norme persiste encore en 2021 et les entreprises continueront à être confrontées à un environnement politique et réglementaire volatile.

La géopolitique de la Covid-19 aura à coup sûr un impact sur l’environnement opérationnel des entreprises durant l’année en cours”, a-t-il affirmé. Il a souligné que les tensions géopolitiques entre les puissances mondiales vont pousser l’Union européenne à définir et affirmer davantage sa place et son rôle. Et de soutenir : “L’Union Européenne est appelée à affûter ses instruments politiques et sa régulation pour construire une Europe post Covid-19 ouverte, stratégique et autonome. Dans ce contexte de tensions géopolitiques, le partenariat avec l’Union européenne dans la Méditerranée sera construit à coup sûr en fonction des impacts de la crise sanitaire. La fragmentation de certains États et les difficultés qu’éprouvent d’autres pays du sud à boucler leurs budgets vont obliger l’Union européenne à revoir sa politique de voisinage et adopter des politiques plus audacieuses”.

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